Pour ce numéro spécial magie du magazine Vous et votre avenir , j’ai choisi de vous révéler un rituel ancestral et puissant de mon île : l’Occhju, aussi appelé « mauvais œil ».
Originaire de la Corse, je suis fier de partager avec vous cette tradition mystérieuse et protectrice, ancrée dans notre héritage spirituel depuis des millénaires.
Une tradition corse vieille de 3 000 ans : L’Occhju
L’Occhju est bien plus qu’une simple croyance populaire en Corse. Ce rituel ancestral, transmis de génération en génération, remonte à plus de 3 000 ans. Il s’agit d’une méthode puissante, utilisée pour écarter les influences bénéfiques du « mauvais œil ». Ce rituel est pratiqué par des personnes que l’on nomme signadori ou incantadori. Ces termes, issus du corse, signifient « ceux qui signent » ou « ceux qui remettent de l’ordre ».
La transmission de l’incantation se fait de manière secrète, seulement pendant la nuit de Noël, à minuit. Ce savoir, souvent gardé entre femmes d’une même famille, mêle des rites magiques, des prières chrétiennes et des éléments de la médecine populaire. Cette combinaison unique confère à l’Occhju une aura de mystère et de respect au sein de la communauté corse.
Qu’est-ce que l’Occhju ? Le « mauvais œil » en Corse
En Corse, le mauvais œil, ou occhju, est une énergie négative redoutée depuis des siècles. Autrefois, il était perçu comme une menace principalement pour les enfants, mais aujourd’hui, n’importe qui peut en être victime. Une admiration excessive, une jalousie intense, ou même un simple regard malveillant peuvent déclencher l’Occhju.
Les signes du mauvais œil sont nombreux et facilement identifiables. Parmi eux, on trouve des migraines persistantes, des nausées, une fatigue intense et une sensation de lassitude inhabituelle. Ce sont des symptômes que l’on attribue rarement au mauvais œil dans notre société moderne, mais pour les Corses, ces signes sont révélateurs. Lorsqu’une personne est « frappée » par l’Occhju, son énergie vitale est affaiblie, la rendant vulnérable aux maladies et à la malchance.
L’Occhju n’affecte pas seulement le corps physique ; il peut également atteindre l’esprit. En Corse, on pense que cette énergie négative s’accumule et pèse sur le moral, créant des pensées négatives et un sentiment de déséquilibre intérieur. C’est pour cette raison que l’Occhju est pris très au sérieux dans la culture corse.
Le rituel de purification de l’Occhju :
Pour soulager la personne affectée, le rituel de l’Occhju est essentiel. Ce rituel de purification est une pratique profondément enracinée dans la tradition corse. La signatora (femme qui réalise le rituel) utilise une méthode impliquant de l’huile et de l’eau pour diagnostiquer et traiter l’Occhju.
Le rituel commence par quelques gouttes d’huile diluées dans une assiette d’eau. Si les gouttes se dissolvent, cela confirme que la personne est bien atteinte par le mauvais œil. Dans le cas contraire, le mal-être provient d’une autre source. Les Corses considèrent ce diagnostic comme un indicateur de l’état spirituel de la personne.
Ensuite, le signataire prononcera des prières spécifiques en langue corse. Puis, il exécutera des gestes rituels tels que des signes de croix et l’imposition des mains sur la tête de la personne affectée. Le fait que les prières soient récitées en corse ajoute une dimension authentique au rituel, renforçant ainsi la connexion entre la culture corse et le monde spirituel.
Cette imposition des mains est vue comme une transmission d’énergie bénéfique. Les Corses croient que l’énergie de la signatora passe dans le corps de la personne touchée pour l’aider à chasser le mal. Pendant ce processus, il n’est pas rare que la signatora ressente des signes physiques. Il s’agit généralement de bâillements ou d’un hoquet. Ceux-ci sont interprétés comme des signes que l’énergie négative est en train de quitter le corps de la personne.
Les Signadori : gardiens de la santé spirituelle corse
Les signadori ne sont pas de simples guérisseurs. Ils jouent un rôle de protecteurs spirituels pour la communauté corse. Lors de mes échanges avec Roccu Multedo, écrivain et expert en culture corse, il m’a expliqué que les signadori incarnent la lumière et la bienveillance spirituelles. Selon lui, ils sont vus comme des alliés du bien-être et de la santé dans un monde rempli d’énergies parfois hostiles.
Contrairement aux mazzeri, les figures de la mythologie corse associées aux visions de mort, les signadori sont des symboles de guérison. Ce contraste montre bien la diversité des pratiques spirituelles corses et l’importance des rôles protecteurs et bienveillants des signadori.
Encore aujourd’hui, dans de nombreux villages corses, il est possible de rencontrer des signadori. Ils exercent souvent depuis leur domicile, offrant leur aide à ceux qui en ont besoin. En tant que piliers de la communauté, ils protègent des forces invisibles que la médecine moderne ne peut comprendre. Roccu Multedo m’a également confié que les signadori sont les seuls à pouvoir apaiser l’Occhju, un mal que les remèdes classiques ne parviennent pas à traiter.
La transmission du savoir des Signadori :
La transmission du savoir des signadori est un processus sacré. Autrefois, l’incantation était transmise de mère en fille lors d’une cérémonie intime, renforçant les liens familiaux et spirituels. Aujourd’hui, bien que certains hommes pratiquent également ce rituel, il reste principalement entre les mains des femmes. Devenir signatora n’est pas simplement un apprentissage ; c’est un engagement spirituel envers la communauté, un lien sacré avec la tradition.
Chaque prière, chaque geste est transmis avec soin pour préserver l’intégrité du rituel. Le signataire doit également respecter les règles de vie strictes pour protéger la pureté de l’incantation. Ce respect des pratiques est essentiel pour que le rituel garde toute sa puissance.
L’importance de la foi et des « prigantule » dans le rituel de l’Occhju :
Pour devenir signataire, une foi profonde est nécessaire. En Corse, les prigantules (ou petites prières) jouent un rôle essentiel dans le rituel de l’Occhju, intégrant des éléments de la religion chrétienne. Ces prières sont chantées pour invoquer des forces protectrices. Leur mais est de renforcer l’effet du rituel et de calmer les énergies négatives.
Autrefois, les fées et les divinités païennes protégeaient la communauté. Aujourd’hui, elles ont été remplacées par des figures chrétiennes comme la Vierge Marie et certains saints. Cette évolution montre la capacité du rituel de l’Occhju à s’adapter aux croyances tout en préservant son essence.
Les prigantules servent également à rappeler aux Corses leur lien avec le divin et l’importance de la foi. Chaque incantation contient un message de protection et de paix, un appel aux forces bénéfiques pour éloigner le mal. Ces prières sont vues comme un bouclier spirituel, renforçant l’effet du rituel.
L’Occhju, un héritage magique de la Corse :
L’Occhju représente un trésor spirituel pour la Corse. Cette pratique ancienne rappelle que l’île de beauté est également une terre de mystères et de traditions magiques. Le rituel de l’Occhju dépasse la simple purification ; il est une expression de l’équilibre entre le monde visible et invisible, entre les anciennes croyances et la foi actuelle.
Les Corses perçoivent l’Occhju comme un moyen de protéger non seulement les individus, mais aussi l’esprit de l’île elle-même. En pratiquant ce rituel, on se repose à un passé empreint de sagesse, de respect et de spiritualité. Il s’agit d’un lien tangible avec les générations précédentes, un acte qui unit la communauté.
En conclusion :
Les traditions de protection spirituelle sont essentielles en Corse, et l’Occhju en est l’un des plus beaux symboles. Ce rituel, véritable remède contre le mauvais œil, incarne l’esprit corse et la transmission d’un savoir ancestral. Il reflète une époque où la magie et la foi coexistaient, permettant aux Corses de se protéger des influences néfastes.
J’espère que cet article vous permettra de mieux comprendre l’Occhju et la magie unique de la Corse.
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