Conspiritualité : quand le complotisme rencontre la spiritualité alternative par Sophie Vitali

La conspiritualité, vous connaissez ? Ce phénomène récent fusionne le complotisme et la spiritualité alternative. Deux univers, a priori opposés, qui se rejoignent autour d’un même rejet du système et d’une quête de “vérités cachées”.

D’un côté, le complotisme : méfiance extrême envers les institutions, croyance en une élite secrète qui manipulerait le monde. De l’autre, la spiritualité alternative : méditation, guérison énergétique, éveil spirituel. À première vue, ces deux mondes n’ont rien en commun. Et pourtant, ils se rejoignent autour d’un même message : “On nous ment, il existe une autre vérité”.

Ce phénomène a explosé ces dernières années, notamment avec la pandémie. Mais comment est-il né ? Quels sont ses dangers ? Et surtout, comment s’en protéger ? Décryptage.

Le terme “conspiritualité” a été inventé en 2011 par Charlotte Ward et David Voas. Il désigne un mélange entre conspirationnisme et spiritualité New Age. Le principe ? Une élite secrète contrôlerait l’humanité et seul un éveil spirituel pourrait nous en libérer.

Contrairement aux complotistes classiques, qui dénoncent uniquement un “système corrompu”, les conspiritualistes proposent une alternative mystique. À leurs yeux, la vraie révolution ne passe pas par la politique, mais par la conscience.

Le mouvement New Age a émergé dans les années 1960-70. Influencé par l’ésotérisme, le bouddhisme et les croyances astrologiques, il prône un développement personnel basé sur l’intuition et l’énergie.

Mais voilà : quand cette philosophie rencontre le complotisme, les dérives commencent. Certains estiment que la méditation ou les vibrations énergétiques protègent des “forces obscures” qui gouverneraient le monde.

D’autres pensent que les grandes crises mondiales sont orchestrées pour empêcher l’éveil des consciences. Un terrain fertile pour toutes sortes de théories farfelues.

Si le mot est récent, l’idée, elle, ne date pas d’hier. Dès le XIXe siècle, des mouvements ésotériques associaient déjà des croyances spirituelles à des soupçons de manipulations occultes.

Les Illuminati, les sociétés secrètes, les textes apocalyptiques… Autant d’éléments qui alimentent depuis longtemps l’idée d’un “grand complot”. Aujourd’hui, avec Internet, ces théories circulent à une vitesse fulgurante.

Un des piliers de la conspiritualité ? Le rejet du “système”. Gouvernement, médias, scientifiques… Tous seraient corrompus. Seuls les “éveillés” détiendraient la vérité.

Les conspiritualistes remettent en question la science, notamment en matière de santé. Selon eux, la médecine conventionnelle cacherait des solutions naturelles et énergétiques.

Résultat : un rejet croissant des vaccins, des traitements classiques et une montée des médecines alternatives.

La conspiritualité repose aussi sur une obsession : dévoiler “les vérités cachées”. Pour cela, ses adeptes explorent des pratiques ésotériques, des textes anciens et des symboles censés être dissimulés dans la culture populaire.

Certains se présentent même comme des “guides” capables de révéler ces secrets. Résultat : une dépendance à ces figures d’autorité et, parfois, des dérives sectaires.

L’un des aspects les plus préoccupants du conspiritualisme est son impact sur la santé publique. En prônant une méfiance généralisée envers la médecine moderne, il pousse certains adeptes à refuser des soins essentiels.

De nombreuses personnes influencées par ce courant rejettent les vaccins, la chimiothérapie ou même les traitements contre des maladies chroniques. À leurs yeux, la guérison passe uniquement par des méthodes alternatives comme le jeûne, la méditation ou des remèdes ésotériques. Résultat : des maladies qui auraient pu être soignées à temps deviennent mortelles.

Des cas dramatiques existent. En France et ailleurs, certains patients atteints de cancers ont renoncé à leur traitement pour suivre des thérapies “énergétiques”.

D’autres ont refusé des interventions chirurgicales au profit de prétendues guérisons spirituelles. Ce refus de soins peut littéralement coûter la vie.

Il ne s’agit pas ici d’ouvrir un débat sur l’efficacité du vaccin anti-COVID. La question porte sur les vaccins en général. Historiquement, bon nombre d’entre eux ont permis d’éradiquer ou de contenir des maladies mortelles.

Des exemples concrets ?

• La variole, qui a tué des millions de personnes avant son éradication totale en 1980 grâce à la vaccination.
• La polio, qui causait paralysie et décès, a été presque éliminée grâce aux campagnes de vaccination mondiales.
• La rougeole, autrefois responsable de nombreuses complications graves, voit son taux de mortalité chuter drastiquement là où les vaccins sont administrés.

Cette défiance envers la médecine n’est souvent que la première étape d’un processus plus profond. Progressivement, certains conspiritualistes adoptent une vision du monde où ils se considèrent comme des résistants face à un système oppressif. Ce sentiment peut conduire à un isolement social, voire à des dérives sectaires.

Les adeptes du conspiritualisme finissent souvent par s’éloigner de leur entourage et des sources d’informations traditionnelles. Repliés sur des groupes partageant leurs croyances, ils ne font plus confiance qu’aux figures influentes du mouvement.

Cet enfermement idéologique les empêche de remettre en question leurs convictions et renforce leur sentiment d’être dans une lutte contre un système oppressif.

Dans certains cas, cette méfiance généralisée mène à une véritable radicalisation. Certains adeptes se perçoivent comme des “résistants” face à une élite malveillante.

Ce sentiment d’opposition peut les isoler socialement et les enfermer dans des communautés fermées où la pensée critique disparaît peu à peu.

Certains leaders conspiritualistes exploitent cette paranoïa pour asseoir leur influence. Ils imposent des règles strictes, interdisent toute remise en question et encouragent leurs adeptes à s’éloigner de leur entourage, souvent perçu comme “endormi”.

Des témoignages récents montrent que des individus sous emprise conspiritualiste se sont totalement isolés. Ils ont quitté leur emploi, rompu avec leurs proches et se sont reclus dans des communautés prônant l’auto-suffisance et une défiance absolue envers l’État.

Le conspiritualisme peut également ouvrir la voie à d’autres formes de manipulation mentale. Progressivement, un individu attiré par ces croyances devient plus vulnérable aux discours extrêmes et finit par basculer dans des mouvements plus radicaux.

Les sectes spirituelles exploitent des mécanismes similaires : elles promettent un savoir caché, cultivent un sentiment d’appartenance à une élite éveillée et rejettent le monde extérieur perçu comme toxique.

Une personne séduite par la conspiritualité devient ainsi une cible idéale pour ces groupes, qui renforcent progressivement leur emprise psychologique.

Au-delà du simple rejet des traitements médicaux, certaines personnes finissent par couper tout contact avec la réalité. Elles s’enferment dans des groupes qui entretiennent leurs croyances et les empêchent de trouver des solutions rationnelles.

Peu à peu, elles en viennent à se méfier de leur famille et de leurs amis, ne faisant plus confiance qu’aux figures d’autorité de leur mouvement.

Certains gourous conspiritualistes vont jusqu’à exiger des dons et contrôler la vie quotidienne de leurs adeptes. L’objectif est de les couper totalement du monde extérieur en reprenant des schémas proches des dérives sectaires.

Face à la montée de la conspiritualité, il est crucial de renforcer l’éducation aux médias et la pensée critique. Apprendre à analyser l’information, vérifier ses sources et reconnaître les biais cognitifs permet de mieux se prémunir contre la désinformation.

Les écoles, les institutions et les médias ont un rôle clé à jouer. Sensibiliser les citoyens, dès le plus jeune âge, aux mécanismes des théories du complot et aux dérives sectaires peut réduire l’adhésion à ces croyances toxiques.

Les médias doivent adopter une approche pédagogique et factuelle pour déconstruire la conspiritualité. Trop souvent, ils se contentent de dénoncer ces mouvements sans expliquer pourquoi ils séduisent autant.

Les scientifiques et experts doivent également communiquer de manière plus accessible. Répondre aux interrogations du public avec transparence, sans condescendance, est essentiel pour regagner la confiance des sceptiques.

Plutôt que de confronter directement une personne influencée par la conspiritualité, il est préférable d’adopter une approche bienveillante. Le rejet brutal ou la moquerie ne font que renforcer son sentiment d’oppression et d’isolement.

Poser des questions ouvertes, l’amener à douter progressivement et lui proposer des sources fiables sont des stratégies plus efficaces pour l’aider à sortir de cette spirale.

Avec l’essor des réseaux sociaux, de nombreux influenceurs ont émergé comme des figures centrales du mouvement conspiritualiste. Mélangeant discours spirituels et théories du complot, ils rassemblent des millions d’abonnés sur YouTube, Instagram ou Telegram.

Certains noms reviennent souvent dans les cercles conspiritualistes. Ils propagent des messages mélangeant anti-science, ésotérisme et défiance envers les autorités. Parmi eux :

• David Icke : Théoricien du complot britannique, il prétend que le monde est contrôlé par une élite reptilienne.
• Alex Jones : Fondateur d’InfoWars, il diffuse des théories du complot allant du gouvernement secret à la manipulation des masses.
• Certaines figures du bien-être et de la spiritualité : Certains influenceurs du développement personnel et de la médecine alternative reprennent des discours conspiritualistes, mélangeant santé naturelle et défiance totale envers la médecine conventionnelle.

Les algorithmes des plateformes numériques favorisent la viralité des contenus polémiques et sensationnalistes. Une personne qui commence à visionner du contenu conspiritualiste verra ses recommandations envahies de vidéos similaires. C’est ainsi que sa conviction se renforce en l’enfermant dans une bulle informationnelle.

Cette amplification algorithmique a permis à des figures conspiritualistes d’accroître leur influence et de toucher un public toujours plus large. C’est pourquoi comprendre leur impact est essentiel pour lutter contre la désinformation et éviter l’embrigadement.

La conspiritualité est bien plus qu’un simple phénomène de mode. Elle révèle une crise profonde de confiance envers les institutions et un besoin croissant de sens. En mélangeant quête spirituelle et méfiance extrême, elle séduit de plus en plus d’adeptes en quête de vérité.

Mais derrière cette fascination se cachent des dangers réels : désinformation, radicalisation et manipulation. Face à cela, il est essentiel d’agir. Mieux informer, encourager l’esprit critique et dialoguer sans jugement sont les clés pour contrer cette dérive.

Il ne s’agit pas de nier le besoin de spiritualité, mais d’éviter qu’il ne devienne un terrain fertile pour les théories du complot. La solution ? Trouver un équilibre entre ouverture d’esprit et discernement.

1. Pourquoi la conspiritualité séduit-elle autant de personnes ?

Parce qu’elle offre une réponse simple à des questions complexes. Elle rassure en proposant une vision du monde où tout s’explique par un complot et où il existe une “vérité cachée” accessible aux initiés.

2. La conspiritualité est-elle dangereuse ?

Oui, notamment en matière de santé publique et de radicalisation. Elle peut pousser certaines personnes à rejeter la médecine conventionnelle ou à voir le monde comme une menace permanente.

3. Comment différencier spiritualité saine et conspiritualité ?

Une spiritualité saine encourage l’ouverture d’esprit et la réflexion critique. La conspiritualité, en revanche, repose sur la peur, le rejet du « système » et une vision manichéenne du monde.

4. Quel est le rôle des influenceurs dans la diffusion de la conspiritualité ?

Certains profitent de la détresse des gens pour vendre des formations, des produits miracles ou des idéologies douteuses. Leur présence massive sur les réseaux sociaux amplifie le phénomène.

5. Comment aider un proche adepte de la conspiritualité ?

Il est important de ne pas le confronter brutalement. Poser des questions, l’amener à douter en douceur et lui proposer des sources fiables permet d’ouvrir un dialogue constructif.