La chasse aux sorcières : un crime contre l’humanité, motivé par un antiféminisme sous-jacent et une peur collective des femmes indépendantes.
Aujourd’hui, même si cette époque semble lointaine, l’image de la sorcellerie reste bien vivante, entourée de mystères. Ce mois de mars, marqué par l’intérêt pour les sciences occultes, est l’occasion de se replonger dans ce sombre chapitre de l’histoire.
Dans l’imaginaire collectif, la sorcière prend souvent la forme d’une femme au chapeau pointu, volant sur un balai, et arborant un étrange sourire. Pourtant, cette image caricaturale masque une réalité bien plus terrible. Comment ce mythe a-t-il pu aboutir à une véritable chasse aux sorcières, coûtant la vie à près de 100 000 personnes en Europe ? Cette folie meurtrière est-elle réellement un souvenir du passé, ou bien en percevons-nous encore les échos dans notre société actuelle ?
La sorcellerie : une pratique majoritairement féminine et ses origines historiques
La chasse aux sorcières a principalement visé les femmes, avec environ 85 % des condamnés étant des femmes. Ce phénomène débute au Moyen Âge, mais il atteint son pic entre 1560 et 1630 en Europe. À cette époque, la sorcellerie devient une « explication » aux épidémies, aux récoltes ratées, et aux morts mystérieuses. Dans cette Europe marquée par l’incompréhension et la peur, la chasse aux sorcières s’impose rapidement.
Les épidémies de peste, accompagnées d’un fort antiféminisme, créent alors un climat de méfiance. L’homme cherche des coupables. Ainsi, la femme devient un bouc émissaire idéal. C’est ainsi que la société, en quête de réponses, cible ces femmes qu’elle accuse de sorcellerie.
En France, un ouvrage vient alimenter cette peur : De la démonomanie des sorciers, écrit en 1580 par Jean Bodin, conseiller d’Henri III.
Bodin y affirme que des millions de sorciers sont cachés dans toutes les classes sociales. Il appelle même à leur extermination ! Par ses mots, il amplifie la peur collective et justifie une persécution violente et sans limites.
En ce temps, nous sommes aux prémices de l’imprimerie et l’intérêt pour la lecture est grandissant. Ainsi d’autres ouvrages notamment ceux de la mythologie grecque et certains textes sacrés publiés iront dans ce sens. Le plus connu et certainement l’instigateur de dizaine de milliers d’exécutions est le : Malleus maleficarum, le Marteau des sorcières dont les auteurs sont Jacob Sprenger et Henrich Kramer. L’ouvrage paraît en 1486 et il met en avant la sexualité débridée de la femme. Pour appuyer ses dires, l’auteur affirme que les sorcières volent aux hommes leur sexe et les cache dans des nids !
La femme, bouc émissaire idéal de la chasse aux sorcières :
Au fil des siècles, la femme devient synonyme de tentation et de maléfice. Elle est vue comme l’incarnation parfaite du mal. Si certaines accusations de sorcellerie surgissent dans les villes, les pires massacres se déroulent en milieu rural. En réalité, dans les campagnes, la faible densité de population rend « la sorcière » plus facile à repérer.
Ainsi, de nombreuses arrestations font suite aux accusations d’un voisin, d’un homme d’Église, voire d’un village entier. Sage-femmes, accusées d’être responsables de la mort des nouveau-nés, et soignantes, qui utilisent des plantes médicinales, sont les premières visées. Les veuves, elles aussi, éveillent la suspicion et sont accusées d’avoir empoisonné leur mari.
Mais cette paranoïa va plus loin ! Une femme peut être dénoncée pour avoir manqué la messe ou, au contraire, pour y aller trop souvent. Dans l’esprit collectif, cela suffit pour en faire une supposée alliée de Satan.
Profil de la sorcière : une cible vulnérable de la chasse aux sorcières
Ce qui frappe dans les condamnations pour sorcellerie, c’est la similitude des profils des accusées. La sorcière typique est généralement âgée, parfois ménopausée, veuve, illettrée et pauvre. Ces caractéristiques, loin d’être anodines, en font des cibles idéales. En effet, l’illettrisme empêche ces femmes de se défendre efficacement face aux tribunaux. Quant à leur pauvreté, elle les prive de tout pouvoir social, les isolant encore davantage.
Ainsi, ces procès sont tout sauf équitables. En réalité, ils se concluent presque systématiquement par une condamnation. La vulnérabilité de ces femmes, liée à leur âge et à leur statut social, les condamne avant même que les accusations soient formulées.
Les massacres emblématiques de la chasse aux sorcières : le procès de Salem
Des massacres de sorcières ont eu lieu partout dans le monde, mais certains restent gravés dans les mémoires. Le procès des sorcières de Salem, en Amérique du Nord, en est un exemple marquant. Cette chasse aux sorcières, abondamment représentée au cinéma et dans la littérature, est l’une des plus brutales. Entre 1682 et 1693, pas moins de 141 personnes furent suspectées et condamnées. Parmi elles, dix-neuf hommes et femmes furent pendus, une femme fut lynchée, et d’autres furent condamnés à vie dans des conditions inhumaines.
Pour moi, l’histoire de Salem reflète parfaitement l’ampleur et l’impact social des chasses aux sorcières. Tout commence par un jeu : deux petites filles de Salem s’adonnent à des rituels de magie et de voyance. Après ces séances, elles sont soudainement prises de convulsions et d’hallucinations. Inquiet, le médecin du village est appelé en urgence. Son diagnostic, rapide et sans appel, tombe : les jeunes filles sont sous l’emprise de Satan, et la servante caribéenne n’y est pas étrangère.
S’ensuit une véritable tempête où se mêlent religion, racisme, misogynie et terreur. Salem devient le théâtre d’une hystérie collective, symbole des dangers de la chasse aux sorcières. Cet exemple, bien que célèbre, n’est qu’un parmi tant d’autres. Et la France n’est pas en reste dans cette sombre histoire…
La chasse aux sorcières en France : entre fanatisme religieux et torture
En France, la chasse aux sorcières atteint son apogée jusqu’en 1680. À cette époque, les juges, influencés par des ouvrages comme celui de Jean Bodin, mènent des enquêtes secrètes. Les accusés sont jugés sans avocat et subissent de violentes tortures, réalisées sous le couvert d’une soi-disant expertise médicale. On recherche alors la « marque du diable » en piquant la peau de l’accusé avec des aiguilles, cherchant la moindre trace qui pourrait prouver sa culpabilité.
Durant ces épreuves, l’accusé doit rester impassible. Un cri, un gémissement suffisent pour le condamner, considérés comme preuves de son lien avec le mal. Ce fanatisme religieux conduit souvent à des condamnations collectives. En effet, il est courant qu’une femme soit condamnée à mort en même temps que sa mère, sa fille, voire sa petite-fille.
Mais pourquoi anéantir des lignées entières ?
Selon les textes religieux de l’époque, ceux qui choisissent le mal sont damnés pour l’Éternité, entraînant leur famille avec eux. Ce n’est qu’au XVIIe siècle, avec les progrès de la médecine, que les causes des maladies sont mieux comprises. Peu à peu, la croyance en la sorcellerie décline, devenant une idée dépassée. En 1682, un édit royal décriminalise officiellement la sorcellerie.
Toutefois, les mentalités évoluent lentement. En 1856, Jeanne Bédouret, âgée de 80 ans, en devient la dernière victime connue. Accusée de sorcellerie, elle est brûlée par un couple de voisins dans le village de Camalès, dans les Hautes-Pyrénées. Les meurtriers sont jugés et condamnés, mais cet acte tragique témoigne de la persistance des superstitions bien après la fin des procès.
En 2022, les accusations de sorcellerie persistent dans certaines régions du monde.
L’Afrique subsaharienne, l’Inde, et la Papouasie-Nouvelle-Guinée continuent de condamner des individus pour des actes de sorcellerie. En Arabie Saoudite, une unité spécialisée de la police religieuse est même dédiée à la lutte contre la « sorcellerie. » Ces pratiques montrent que, bien que le monde ait évolué, ces croyances archaïques et dangereuses sont encore présentes.
Personnellement, ayant étudié et écrit de nombreuses fois sur ce sujet, je suis convaincue que la chasse aux sorcières n’est pas réellement terminée. Mon expérience me montre que certaines personnes restent attachées à ces croyances absurdes. Dans leur esprit, la voyance est perçue comme une diablerie, et ceux qui s’y adonnent – médiums, cartomanciennes, diseuses de bonne aventure – sont vus comme des « travailleurs de l’Ombre. »
Heureusement, ces croyances sont totalement erronées. En assumant pleinement notre pratique de la médiumnité, nous devenons en quelque sorte les nouvelles sorcières des temps modernes. Et loin d’être des figures d’ombre, nous œuvrons pour éclairer ceux qui cherchent des réponses.
Article rédigé par Sophie Vitali pour le magazine Vous et votre avenir de mars 2022.
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